Critique Good Time

Une hypnotique descente aux enfers


Le film nous dépeint l’histoire de Nick et Connie, deux frères, qui décident de braquer une banque dans une banlieue de New-York. Dans leur fuite, un système « d’antivol » présent dans le sac de billets se déclenche, les rendant facilement repérables par la couleur rose pétante laissée sur leurs vêtements. Connie réussit à s’enfuir mais son frère Nick est arrêté par la police. Alors que Connie tente de réunir la caution pour libérer son frère, une autre option s’offre à lui : le faire évader. Commence alors une véritable virée psychédélique dans les bas-fonds new-yorkais.

Lorsque les premières minutes du film défilent sous nos yeux, impossible de ne pas trouver quelques similitudes de ce Good Time avec le cinéma de Michael Mann (par ces scènes d’actions et son réalisme brut) ou avec le cinéma de Winding Refn (par la prépondérance des néons et des couleurs atmosphériques puissantes). De par ces différentes influences, le film pourrait se définir comme un véritable mélange entre réalisme cru et trip esthétique halluciné.


Ainsi, la scène d’ouverture se contraste avec le reste du film. Le film se « pose » durant quelques minutes et prend le temps de caractériser les personnages principaux. D’un côté, Nick "simplet" et inexpressif, est interrogé par un psychiatre et semble être plutôt calme et assez « passif». Cette scène nous montre leur discussion qui peut paraître assez banale mais dont une tension très forte s’en émane. Les nombreux champs/contre champs et les dialogues donnent au film une portée très réaliste. De l’autre, on découvre son frère Connie (interprété par un Robert Pattinson bluffant), qui nous apparaît d’une manière assez brutale et atypique. En effet, l’équilibre des cadres va subitement être bousculé à la faveur d'un zoom très rapide. Ce zoom va ainsi se concentrer sur le visage de Connie comme pour casser et briser l’entrevue entre le médecin et son frère. D’une certaine manière, Connie par son apparition, vient bouleverser la structure de la scène. De plus, le rythme, qui se trouvait être plutôt lent, va subitement s’accélérer : on vient brusquement de passer de la réalité à la fiction.

Par cette scène, on peut voir que Connie est l’antithèse de Nick. Il se révèle être plutôt hyperactif, avec des traits de visage forts, des cheveux hirsutes et un comportement très nerveux. Cette introduction est forte puisqu’elle permet de définir les rapports entre les personnages en une seule scène (grâce à celle-ci, on ressent la surprotection dont fait preuve Connie vis-à-vis de son frère). Cette personnification des protagonistes faite lors de l’ouverture décuple la portée dramatique et renforce les enjeux et les actions de Connie qui suivront par la suite (on ressent le profond amour fraternel qui lie ces deux frères). En outre, cela permet au spectateur d’être totalement investie dans la quête de Connie et de mieux comprendre son cheminement et ses actions durant le film.


La force du film tient également par sa tension et le danger potentiel présent à chaque instant. En effet, à chaque possible résolution, un nouvel élément vient perturber la scène, entraînant un nouveau défi à dépasser pour Connie. Ainsi, le spectateur se retrouve dans la même situation que lui : perdu et démuni.

On remarque également que l’histoire se déréalise progressivement, devenant avec le temps un pur trip sous acide, ce qui rend le film de plus en plus imprévisible. On pourrait même dire que cet irréalisme qui s’installe durant le métrage entraine, peu à peu, l’impression d’une virée nocturne cauchemardesque. Le genre de cauchemar duquel on aimerait se réveiller, mais dont il est impossible de s’en défaire. Ainsi, l’atmosphère du film dégage une sensation d’urgence permanente. Cela s’accentue par le fait que le film est extrêmement rythmé, refusant les temps morts ou les pauses inutiles. Le mouvement se révèle être omniprésent dans les cadres, participant à ce sentiment de tension et d’épuisement. Ainsi, le film ne laisse aucun répit : Pas le temps de se reposer, il faut agir et surtout réagir vite. La chance n’est malheureusement pas du côté de Connie, que l’on voit au fil du film prendre les plus mauvaises décisions possibles. Mais paradoxalement, on s’attache à ce personnage car ses (mauvaises) actions sont motivées par l’amour qu’il porte pour son frère et sa quête effrénée pour le secourir.


En ce qui concerne le cadre, la prépondérance des gros plans donne un côté à la fois très intimiste et minimaliste au film. Les gros plans donnent une toute autre perspective aux visages qui apparaissent à la fois masqués dans l’obscurité ou inquiets et confus lorsque ceux-ci sont éblouies par les lumières artificielles émanant des néons. Comme si certains moments étaient captés, pour marquer le spectateur de l’émotion que ressent le personnage à des instants précis. Les gros plans participent également à cette sensation d’étouffement perpétuel ressenti par les personnages et qui se transmet au spectateur. Ces plans dissimulent l’environnement dans lequel s’aventure Connie et accentue la perte de repères progressive dont il est victime, dans un New-York halluciné. A noter que le ratio du cadre renferme les personnages, comme si ceux-ci étaient pris au piège et que leur destin était déjà tracé dès les premières secondes du film.

Pour ce qui est de la musique, elle se veut stridente, assourdissante dans les moments les plus angoissants. Elle donne au film une certaine puissance et accentue la portée dramatique des scènes, tout en renforçant le côté « trip psychédélique » du long-métrage.


Good time est un film contrasté, de par sa sobriété et son côté coloré. On note une omniprésence de couleurs angoissantes et inquiétantes (le rouge, le vert et le bleu qui ensemble, confèrent au film une atmosphère malaisante, imprévisible et pesante) associé à la noirceur d’un New York où Connie semble bien solitaire dans une ville sensée être surpeuplée. L’association de ces couleurs qui apparaissent presque fluorescentes par moment, impose au film un côté très 80’s, accentué par le grain à l’image qui donne au film un aspect documentaire proche du réel. En outre, le grain s’allie à une colorimétrie percutante et atypique pour retranscrire les environnements psychédéliques, malfamés et obscures de New York.

Ainsi, Good Time est un métrage qui, paradoxalement, se veut très réaliste mais aborde une dimension très fantasmagorique. En soi, c’est une épopée hallucinée, un pur trip visuel dont les couleurs rétros restent longtemps en mémoire après visionnage.

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